Écoles d'art et design en lutte
Écoles d'art et design en lutte est un cadre inter-organisations qui rassemble des syndicats et collectifs en lutte pour un enseignement supérieur de la culture émancipateur et accessible à tous·tes.
Les annonces de la Ministre de la Culture ce jour concernant les écoles d’art et design sont non seulement miteuses, mais augurent, qui plus est, d’une détérioration accélérée du sort de nos écoles. L’enveloppe de 2 millions d’euros annoncée par le Ministère de la culture est une aumône méprisante, excessivement en-deçà de tous les chiffrages des besoins des écoles d’art et design (par dix fois inférieure à nos chiffrages), même en ne retenant que les urgences budgétaires
de l’année en cours.
Par ses annonces, le Ministère de la Culture et Madame la Ministre engagent leur responsabilité quant à de nombreux plans sociaux et économiques à venir, et entérinent, en pleine connaissance de cause, la dégradation des conditions d’études et de travail dans l’ensemble des écoles.
Le fait que cette enveloppe représente une augmentation de 14% de la dotation de l’État aux écoles démontre seulement la faiblesse actuelle de cette dotation. Qui plus est, la répartition de cette dotation aux écoles ira principalement aux établissements où la participation de l’État est la plus faible, en se basant sur le calcul d’un ratio par étudiant·e. Derrière l’apparence d’équité de ce mode de distribution, cela signifie en réalité que certaines écoles en grande difficulté risquent de ne pas bénéficier de l’aide, ou trop peu.
L’État fait donc le choix de continuer à se défausser de ses responsabilités sur des collectivités territoriales, dont il sait parfaitement qu’elles ne sont plus en mesure d’assumer davantage le coût des écoles, voire qu’elles ne veulent plus le faire du tout, ce choix étant entièrement soumis aux aléas politiques. Sous le prétexte fallacieux du principe de libre administration des collectivités territoriales, la menace de fermeture de l’ÉSAD Valenciennes, actée au cours de nos échange avec les services du Ministère, en est une démonstration vivante. C’est une honte irrecevable. Étudier est un droit, pas un privilège: l’État doit affirmer et défendre la valeur sociale et démocratique d’un fort maillage territorial de l’enseignement supérieur public, et qualitatif. C’est pourtant l’inverse qui se produit, ce qui ne peut qu’être mis en parallèle du démantèlement total et non équivoque du service public, c’est à dire de nos conquis dans la socialisation des savoirs et de la valeur, au profit des classes les plus riches.
Lors d’un précédent rendez-vous entre le Ministère de la culture et l’inter-organisations, le 13 mars 2023, avait été évoqué la mise en place d’un calendrier de travail entre le Ministère, les présidences d’EPCC et la délégation d’«Écoles d’art et design en lutte». Ce travail est enterré par le ministère au profit d’un énième rapport dont la commande autant que l’auteur induisent un point de vue unique et biaisé.
Le pire semble en effet à venir avec une mission confiée à Pierre Oudart concernant la situation structurelle des écoles d’art et design. Le ministère de la Culture semble n’avoir toujours pas d’idées précises sur la question, malgré les nombreuses enquêtes réalisées entre 2012 et 2022 au sujet du statut des EPCC et/ou de leurs personnels (Sénat, Assemblée Nationale, Cour des comptes, CGT collectivités publiques, HCERES, et inspection du Ministère de la culture lui-même). La feuille de route de cette mission sera principalement orientée vers «la structuration de l’offre d’enseignement sur le territoire, en vue de redonner de la cohérence à l’ensemble du réseau et de donner aux collectivités l’envie de financer» (propos tenus ce jour par les services du ministère auprès de la délégation d’«Écoles d’art et design en lutte»). Ceci laisse apparaître une volonté évidente de l’État de remanier la carte des écoles d’enseignement public, au risque d’en voir disparaître plusieurs ou d’imposer des spécialisations ne tenant compte que du tissu économique, voire de l’existence d’une offre de formation privée en pleine croissance sur les territoires. Cette mission concernera également la problématique de gouvernance des EPCC, mais quel résultat peut donner une telle mission d’enquête si elle est conduite par une personne qui, elle-même à la direction d’une école d’art (l’Institut National Supérieur d’Enseignement Artistique Marseille Méditerranée), est juge et partie?
Pour les établissements qui sauront tirer leur épingle du jeu, le Ministère de la Culture se dit favorable à un alignement des statuts des personnels enseignants entre écoles territoriales et nationales, mais là encore, il se défausse de toute possibilité d’action en s’en remettant aux ministères en charge des collectivités territoriales.
De tous les scénarios imaginés depuis le 13 mars, celui dessiné par les annonces de ce jour est le plus révoltant et indécent, bien que ces annonces ne soient pas surprenantes au vu de la politique générale de casse du service public de l’État.
Nos écoles sont mobilisées depuis plus de trois mois, nos problèmes sont analysés et dénoncés depuis plus d’une décennie. La réponse du Ministère est un affront d’une réelle avanie. Ce que le Ministère de la Culture met en œuvre est un projet de société favorisant un enseignement à deux vitesses, avec des écoles privées très spécialisées accessibles uniquement à une certaine classe sociale ou obligeant les étudiant·es à s’endetter, et quelques écoles publiques et universités peu nombreuses pour lesquelles l’entrée sera extrêmement concurrentielle. Si s’inquiéter de ce tournant capitaliste de l’enseignement sera qualifié de vision d’extrême gauche par le gouvernement actuel, nous affirmons que c’est une position avant tout humaine.
Mais que le ministère ne s’inquiète pas: nous sommes assez créatif·ves pour tout mettre en œuvre afin qu’il prenne la réelle mesure de la situation dont il est lui même la cause et afin qu’il apporte des moyens en conséquence. Et il le fera.
CGT-Séla 31 ;
Économie solidaire de l’art ;
La Buse ;
Le Massicot ;
Les Mots de trop ;
SNAP-cgt ;
Snéad-CGT ;
STAA CNT-SO ;
SUD Collectivités Territoriales
et les étudiant·es et personnels mobilisé·es de :
l’ÉESAB Rennes, Brest, Quimper et Lorient, de l’ÉSAAIX,
de l’ÉESI Angoulême-Poitiers, de l’ÉSA des Pyrénées - Pau-Tarbes,
de l’ÉSAD Valenciennes, de l’isdaT - Toulouse, de l’ENSAPC Cergy,
de l’ESADHaR - Le Havre, de l’ÉSAD TALM - Angers, de l’EBABX Bordeaux, de l’ÉSAD Grenoble-Valence, de
l’ENSBA Lyon, de l’ésban Nîmes,
de l’ESACM Clermont-Ferrand, de l'ESADSE Saint-Étienne, de l'ENSA Normandie, des Beaux-arts de Nantes - Saint-Nazaire